
Expériences de pensée et pensée du possible, de Fontenelle à Rousseau
Author(s) -
Christophe Martín
Publication year - 2021
Publication title -
tangence
Language(s) - French
Resource type - Journals
eISSN - 1710-0305
pISSN - 1189-4563
DOI - 10.7202/1083865ar
Subject(s) - humanities , philosophy
La pensée des Lumières s’est régulièrement plu à faire reposer sa force de conviction sur diverses expériences de pensée. En s’appuyant sur la typologie générale proposée par Stéphane Chauvier ( Le sens du possible , 2011), on propose de distinguer d’abord des expériences de pensée empathiques particulièrement fréquentes dans la pensée empiriste et sensualiste : pour faire accéder à une connaissance que le lecteur porte en lui sans le savoir, l’expérience de pensée doit alors agir comme un filtre appauvrissant intentionnellement le réel afin de mieux mettre en valeur l’élément qu’il s’agit de faire voir en pleine lumière. Les expériences de pensée exploratrices , quant à elles, ne cherchent plus à dissiper une confusion ou à dévoiler une réalité occultée, mais à faire accepter « des énoncés nomiques que la réalité se refuse à illustrer » (S. Chauvier). De Fontenelle à Diderot, une part essentielle de la pensée des Lumières invite ainsi à concevoir des possibles dépassant la sphère du connu. Dans ce panorama, une place spécifique doit être accordée à Rousseau, non seulement parce que l’expérience de pensée et la pensée du possible occupent chez lui une place considérable, mais parce que, dans son oeuvre, l’expérience de pensée tend à articuler un élément de simulation empathique et une visée exploratrice. Avec Rousseau, l’expérience de pensée n’ouvre plus à la spéculation : elle ménage avec le réel un rapport de distance critique qui invite à discerner en lui tous les possibles qu’il recèle.