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Les Letters concerning the English Nation et les Lettres écrites de Londres sur les Anglais : un original dédoublé
Author(s) -
Guy Rooryck
Publication year - 2021
Publication title -
ttr/ttr. traduction, terminologie, rédaction
Language(s) - French
Resource type - Journals
eISSN - 1708-2188
pISSN - 0835-8443
DOI - 10.7202/1081496ar
Subject(s) - humanities , art , philosophy
L’article a pour objectif d’analyser les jugements littéraires de Voltaire tant dans les Letters concerning the English Nation (1733) que dans les Lettres écrites de Londres sur les Anglais et autres sujets (1734). Les lettres XVIII à XXIV ont pour sujet différents aspects touchant les belles lettres. Notre questionnement portera sur les différences et les analogies entre les deux versions et renverra également aux traductions anglaises modernes qui, par contraste, font ressortir la spécificité du texte anglais paru en 1733. L’activité créatrice du traducteur (en l’occurrence John Lockman) se manifeste comme une prolongation de certaines figures de rhétorique, en particulier celles de la brevitas (concision) et de l’ amplificatio (emphase). La traduction anglaise de 1733 a le plus souvent recours à l’emphase qui souligne la force illocutoire du texte. En raison du contexte politique, Voltaire se doit de tenir compte de la censure en France et freine en français son audace qui se donne libre cours dans la version anglaise de 1733. Il juge d’autre part selon les critères du « bon goût » de son époque, et bien qu’il apprécie le génie d’écrivains anglais, il s’exprime souvent en faveur de la retenue de chefs-d’oeuvre français, qui, nés dans le contexte d’une « société de cour » se construisent par le biais d’une parole allusive faite de sous-entendus, alors que les littérateurs anglais ne reculent pas devant l’âpreté de la réalité. La voix énarrative du traducteur de 1733 a tendance à intensifier les jugements de Voltaire dans une mise en énonciation qui s’adresse à un public anglais. Les traductions modernes (Dilworth (1961); Tancock (1981); Steiner (2007), basées sur l’édition Jore/Lanson (1909)) reprennent, en revanche, les appréciations des Lettres philosophiques (1734) dans une mise en énonciation adoucissant la force illocutoire de la version anglaise initiale qui, elle, aiguise la pensée de Voltaire dans ses jugements tant critiques que favorables.