
L’alexandrin dans la tragédie humaniste en France au XVIe siècle : un choix politique
Author(s) -
Brice Denoyer
Publication year - 2021
Publication title -
ttr/ttr. traduction, terminologie, rédaction
Language(s) - French
Resource type - Journals
eISSN - 1708-2188
pISSN - 0835-8443
DOI - 10.7202/1081494ar
Subject(s) - humanities , art
L’alexandrin est indissolublement lié au succès du théâtre français classique. Lecaractère d’évidence qui semble les réunir n’a pourtant rien de naturel, et cette relations’inscrit en réalité dans une historicité où le politique a une part prépondérante. Nombrede mystères demeurent lorsque l’on essaye d’expliquer pour quelle raison les dramaturges duXVI e siècle ont favorisé ce vers alors peu usité, et réservé auparavant à desusages très spécifiques – hormis durant une période où il fut à la mode, vers leXIII e siècle, pour le genre épique. Fortement lié à la traduction et à laréappropriation de l’héritage théâtral antique, le choix de l’alexandrin a aussi uneindéniable portée politique : vers prestigieux d’abord, par sa rareté comme par ses usages,il devient en outre associé, au cours du XVI e siècle, à la réinvention du modèlede tragédie à l’antique. Du fait de son prestige, il devient facilement le vers parexcellence des personnages puissants, dont le statut social ne saurait être représenté surscène que dans une parole « altiloque », comme le dit Ronsard, dont l’alexandrin devient levecteur évident. Les auteurs ne cesseront, au fur et à mesure que le siècle se déroule, dejouer des parallélismes qui peuvent exister entre les discours expressément politiques etles tragédies (en témoignent par exemple les liens poétiques et politiques reliant chezGarnier l’ Hymne à la monarchie et plusieurs de ses pièces) : là encore, ils seréapproprient les exigences de la rhétorique antique, sans ignorer que de telles exigencesvalent pour une parole publique dont la portée politique n’est pas à mésestimer. Dès lors,l’utilisation de plus en plus constante de l’alexandrin comme vers du dialoguetragique devient une métaphore parfaite de la complexité de la chose politique, mise enscène alors comme une somme fragmentaire de discours antithétiques, faisant du politique unobjet de représentations (dans tous les sens du terme) et de débats.