
#Flygskam : le pouvoir de la honte de prendre l’avion pour gouverner le changement climatique
Author(s) -
Lucas Brunet
Publication year - 2021
Publication title -
lien social et politiques/lien social et politiques, riac
Language(s) - French
Resource type - Journals
eISSN - 1703-9665
pISSN - 1204-3206
DOI - 10.7202/1079492ar
Subject(s) - humanities , political science , philosophy
Le terme suédois flygskam (avion-honte) désigne la honte de prendre l’avion à cause de sa contribution au changement climatique. À partir de 2018, cette honte s’est largement répandue sur les réseaux sociaux (#flygskam) jusqu’à constituer un mouvement de remise en question du transport aérien. Comment cette honte a-t-elle été suscitée, relativisée, reconvertie et quelles ont été ses conséquences politiques ? En analysant qualitativement les récits de honte partagés sur Instagram, l’article montre comment les voyageurs construisent leur expérience de la honte, et y réagissent. Dans la lignée des travaux de la sociologie des émotions, l’article appréhende la honte comme une émotion régulée pour répondre à certaines normes sociales qui définissent les émotions à ressentir et à exprimer selon les situations (règles de sentiment), et qui exigent, parfois, un travail émotionnel d’adaptation. Les voyageurs sensibilisés à l’environnement se conforment ainsi à une nouvelle règle émotionnelle de la honte de prendre l’avion, et ceux qui ne respectent pas cette règle peuvent être ciblés par des campagnes de honte. Pour conjuguer la honte prescrite par la règle de sentiment et le plaisir associé aux trajets aériens, certains voyageurs conduisent un travail émotionnel et se déculpabilisent en compensant les émissions générées par leurs voyages en avion. Enfin, la honte est reconvertie en fierté de voyager en train et donne lieu à l’instauration d’une nouvelle règle émotionnelle. En définitive, l’article montre comment la honte articule les conduites individuelles et collectives par l’établissement de nouvelles normes.