
Un salaire minimum à 15 $ au Québec ? Impacts socio-économiques et obstacles à l’action collective
Author(s) -
Sid Ahmed Soussi,
Maxime Thibault-Leblanc
Publication year - 2021
Publication title -
cahiers de recherche sociologique
Language(s) - French
Resource type - Journals
eISSN - 1923-5771
pISSN - 0831-1048
DOI - 10.7202/1075980ar
Subject(s) - political science , humanities , philosophy
Qu’en est-il du salaire minimum aujourd’hui et de la revendication d’une hausse à 15 $? Où en sont les campagnes menées au Québec par les organisations syndicales, les groupes d’action communautaire et les autres regroupements engagés sur ces enjeux ? Ce seuil de 15 $, devenu symbolique en Amérique du Nord, suscite des clivages et plusieurs constats montrent que ces campagnes se heurtent non seulement à des résistances de la part des organisations patronales – leurs « adversaires naturels » – et du gouvernement, mais aussi, paradoxalement, à des réticences au sein même des organisations syndicales et des groupes d’action communautaire ainsi que dans des milieux du travail à bas salaires et non syndiqués. Cet article dresse un bilan et une mise en contexte critique des « campagnes pour le 15 $ » au Québec au regard de celles menées aux États-Unis et dans le reste du Canada. Il s’appuie également sur les résultats d’une enquête visant deux objectifs. Premièrement, étudier les impacts qualitatifs d’une telle hausse sur les travailleurs dont la rémunération est comprise entre 15 $ et 19 $/h, une catégorie où se manifeste justement une partie des réticences observées (travailleurs syndiqués, indépendants, en PME, immigrants, etc.). Deuxièmement, analyser les interactions entre les organisations syndicales et non syndicales (groupes communautaires et autres) sur ces enjeux dans le contexte des différentes campagnes. Ces campagnes paraissent fragilisées par deux types d’obstacles. Le premier renvoie aux interactions intrasyndicales parfois tendues, d’une part, et d’autre part aux relations entre des groupes communautaires représentant une très large diversité d’intérêts (professionnels, communautaires, travailleur.se.s non-syndiqué.e.s, femmes, immigrants, etc.) qui affecte parfois leur cohésion. Le deuxième type d’obstacles concerne leurs relations externes : d’abord, « l’alliance naturelle » censée renforcer la collaboration entre les organisations syndicales et les groupes communautaires qui se heurte à certaines dissensions, ensuite les relations extérieures problématiques entretenues par cette coalition avec les autres acteurs de la société civile : les organisations patronales, les médias et, surtout… avec l’État.