
Acquérir un statut de patient : une redéfinition nécessaire des frontières de l’intime au cours des parcours d’assistance médicale à la procréation (AMP) en Italie (Lombardie).
Author(s) -
Léa Linconstant
Publication year - 2020
Publication title -
enfances, familles, générations
Language(s) - French
Resource type - Journals
SCImago Journal Rank - 0.105
H-Index - 7
ISSN - 1708-6310
DOI - 10.7202/1070316ar
Subject(s) - humanities , political science , philosophy
Cadre de la recherche : La loi italiennedéfinit l’assistance médicale à la procréation (AMP) comme « un traitementthérapeutique permettant de soigner une maladie, l’infertilité ». Les parcoursd’AMP donnent à voir une forme d’association particulière entre un environnementmédical et la constitution de familles alors même que la grossesse n’est pasencore survenue. Objectifs : Cet article souhaiteinterroger la façon dont les relations nouées au long des procédures produisentde nouvelles frontières de l’intimité conjugale et parentale, l’intimité étantcomprise ici comme la relation exclusive nouée entre les deux membres d’uncouple. Méthodologie : Notre analyse s’appuie surune ethnographie menée auprès d’un centre public italien d’assistance médicale àla procréation, dans le cadre de laquelle nous avons observé les pratiques deprofessionnels (gynécologues, biologistes, infirmières). Un corpus d’entretiens,dont une cinquantaine avec des professionnels de l’AMP et une trentaine avec descouples ou des femmes infertiles ayant déjà effectué au moins un parcours defécondation in vitro, complète les observations. Résultats : Les parcours d’AMP nepeuvent être compris comme des processus uniformes au cours desquels lesrelations et les statuts n’évolueraient pas et au sein desquels deux individuspourraient être considérés en tant que soignant et patient dès le départ. Aucontraire, ils relèvent d’un processus au cours duquel chaque place ou statutattribué se modifie et évolue par un travail sur les corps et les relations del’ensemble des protagonistes. La question de la temporalité est donc essentielleafin de rendre compte de l’épaisseur des parcours et de la diversité desintentions et des relations qui les jalonnent. Conclusion : Le parcours d’infertilitéet les techniques d’AMP revêtent un caractère particulier : la définitionthérapeutique de ces dernières ainsi que l’utilisation du terme « patient » pourqualifier les personnes y ayant recours n’a rien d’évident. L’acquisition dustatut de patient se fait de façon processuelle à travers notamment une désingularisation progressive du couple et de sonhistoire. Contribution : Cet article contribue àla réflexion sur la place du tiers au sein des techniques de reproductionassistée. Ainsi, si notre ethnographie ne fait état d’aucun recours à un tiers donneur – les couples bénéficiaient d’une AMPstrictement intraconjugale –, le processus de procréation s’inscrit néanmoinsdans une « action collective à plusieurs partenaires » (Théry, 2010) au sein delaquelle s’insère un tiers , entendu comme un élémentextérieur au couple : le corps médical. L’intrusion de ce dernier participe àredessiner les frontières de l’intimité familiale et conjugale.