
« Le tahitien, c’est pour dire bonjour et au revoir » : paroles d’enfants sur une langue autochtone en sursis
Author(s) -
Marie Salaün,
Jacques Vernaudon,
Mirose Paia
Publication year - 2016
Publication title -
enfances, familles, générations
Language(s) - English
Resource type - Journals
SCImago Journal Rank - 0.105
H-Index - 7
ISSN - 1708-6310
DOI - 10.7202/1039498ar
Subject(s) - humanities , political science , art
Tahiti est l’île principale d’un archipel du Pacifique Sud,la Polynésie française, lié, sous des statuts divers depuis 1842, à une Républiquefrançaise éloignée de 16 000 kilomètres. S’ils n’ont donc pas été minorisésdémographiquement, ni spoliés de leurs terres, dans les proportions que l’on connaîtailleurs, en Amérique et dans le Pacifique, les Tahitiens (environ 80 % d’une populationde l’île estimée à 183 000 habitants aujourd’hui) ont incontestablement été victimes d’unepolitique d’assimilation qui a connu une accélération au début des années 1960, avec lanouvelle vocation de ce territoire à devenir le lieu des essais nucléaires français.Exposés plus massivement aux institutions importées de Paris (justice et école), plusurbanisés et dépendants de l’emploi salarié, les Tahitiens ont eu tendance alors àprojeter leurs enfants dans un avenir francophone au sein duquel les langues polynésiennesétaient d’autant moins transmises qu’elles apparaissaient comme préjudiciables àl’intégration sociale. De fait, la déperdition d’une génération à l’autre est patente : si52 % des 75-79 ans déclarent une langue polynésienne comme étant la plus parlée enfamille, ce n’est le cas que de 17 % des 15-19 ans en 2012.En réaction à l’ambition souvent hégémonique de la langueet de la culture françaises, et pour préserver ce qui peut l’être de la langue et de laculture tahitiennes, une politique visant à promouvoir cette langue et cette culture àl’école a été mise en application depuis le début des années 1980.Basée sur des enquêtes empiriques auprès des enseignants,des parents et des enfants eux-mêmes (notamment via le programme de recherche « Écoleplurilingue outre-mer » de l’Agence nationale de la recherche française en 2008-2012 et leprogramme de recherche « Les langues entre l’école et la famille : représentations etpratiques linguistiques contemporaines des enfants de CM2 à Tahiti » du Ministère de laCulture français en 2013-2014), notre contribution interroge les enjeux de lacomplémentarité entre école et famille élargie dans la transmission linguistique etculturelle, avec une attention toute particulière pour les représentations enfantines deslangues que parlent les enfants, des langues qu’ils entendent autour d’eux, et des languesqui seront les leurs plus tard.Tahiti is the main island of the SouthPacific archipelago French Polynesia that has been linked since 1842 through variousstatutes to the French Republic, 16,000 kilometres away. And while they have never been ademographic minority, nor had their land taken away to the same extent as occurred in theAmericas and the Pacific, Tahitians (about 80% of the island’spopulation of about 183,000 people) have incontestably been victims of a policy ofassimilation that accelerated in the early 1960s, as the territory became the Frenchnuclear testing ground. With much greater exposure to institutions imported from Paris(legal and educational), and more urbanized and dependent on salaried employment,Tahitians began to project their children into a French-speaking future, within which thetransmission of Polynesian languages came to be seen as prejudicial to social integration.As a result, the loss of these languages has become obvious: while 52% of people 75 to 79years old say they speak a Polynesian language in the family, this is true of only 17% ofpeople 15 to 19 years old. As a reaction to the often hegemonic ambition of the Frenchculture and language, and to preserve what can be saved of the Tahitian language andculture, a policy aimed at promoting this language and culture at school was implementedin the early 1980s.Based on empirical studies carried outamong teachers, parents, and the students themselves, in particular through programsconducted by the French National Research Agency in 2008–2012, and the French ministry ofculture in 2013–2014, this article examines the issues of the complementarity betweenschool and extended family in the transmission of language and culture, with a particularfocus on children’s representations of the languages they speakthemselves, the languages they hear around them, and the languages that they will learnlater