Open Access
Lire pour la première fois. La découverte de la littérature dans quelques fictions pédagogiques de la deuxième moitié du XVIIIe siècle (Rousseau, Madame de Genlis)
Author(s) -
Antonia Zagamé
Publication year - 2018
Publication title -
le monde français du dix-huitième siècle
Language(s) - French
Resource type - Journals
ISSN - 2371-722X
DOI - 10.5206/mfds-ecfw.v3i1.4377
Subject(s) - humanities , philosophy , art
« Lire pour la première fois » : Les fictions pédagogiques de Rousseau et Madame de Genlis prévoient une rencontre avec la littérature toute autre que celle envisagée selon le schéma d’éducation traditionnel, qui privilégie à cette époque un apprentissage littéraire « précoce ». Dans l’Emile (1761) et Adèle et Théodore (1782), la découverte des œuvres littéraires, entièrement orchestrée par le pédagogue, est en effet retardée dans le temps. Emile lit son premier livre, Robinson Crusoé, à douze ans, avant les Vies parallèles de Plutarque et les Fables de La Fontaine à dix-huit ans. Mais ces trois textes sont envisagés avant tout pour leur contenu didactique et Emile ne découvrira véritablement les différents genres des Belles-lettres qu’à vingt ans. Quant à Madame de Genlis, elle imagine un parcours de lecture progressif permettant de conduire la jeune Adèle d’ouvrages conçus pour la jeunesse, à la découverte des chefs-d’œuvre de la littérature à partir de seize ans, une fois nourrie de la lecture d’auteurs de second ordre. La fiction permet ainsi aux deux écrivains d’imaginer ce que serait le regard d’un jeune homme ou d’une jeune femme privés des principaux ouvrages des Belles-Lettres jusqu’à un âge avancé, et les découvrant au moment où leur intelligence et leur sensibilité sont parvenues à pleine maturité. Rousseau envisage un système d’imprégnation spontanée de l’objet culturel pour un être qui va changer l’ordre social, tandis que Genlis procède par gradation pour une femme qui s’intègrera à l’ordre social.