
La veillée en prison dans Amélie (1762) de Mme Riccoboni ou le pouvoir de la causerie amicale
Author(s) -
Isabelle Tremblay
Publication year - 2018
Publication title -
le monde français du dix-huitième siècle
Language(s) - French
Resource type - Journals
ISSN - 2371-722X
DOI - 10.5206/mfds-ecfw.v3i1.1694
Subject(s) - humanities , art , philosophy
Mme Riccoboni, passée maître dans la rhétorique de préface auto-dépréciative, transforme la traduction et l’anglomanie en escortes narratives de légitimation : grâce à elles, elle fait entrer dans la République des lettres un texte propre à réhabiliter la voix des femmes et leur combat pour une société plus juste. À l’ombre d’Henry Fielding et sous le masque de traductrice, Mme Riccoboni investit d’une charge critique surprenante le discours de Miss Matheus, enfermée à double tour dans la prison londonienne de Newgate. Une telle ambition confirme que l’imaginaire de la traduction peut conduire à ce que Gideon Toury appelle un « acte de planification culturelle ». La présente étude sur la portée et l’impact de la veillée en prison, qui acquiert de nouvelles proportions en s’étendant sur plus de la moitié du roman, met en lumière le contrôle et le pouvoir que s’arroge la locutrice incarcérée pour meurtre grâce à la causerie amicale, comprise comme une « conversation exclusive », pour reprendre le titre d’un ouvrage d’Elizabeth Goldsmith, mais aussi le défi que lance Mme Riccoboni à ses contemporains à une époque où le roman se conçoit comme un « livre de vie [et qu’il] est perçu comme un lieu de formation sentimentale, morale, idéologique, pratique même, en prise directe sur la réalité ».