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Art Spiegelman : de l’outrenoir à l’outrebiographie dans In the Shadow of No Towers
Author(s) -
Yves Davo
Publication year - 2011
Publication title -
e-rea
Language(s) - French
Resource type - Journals
ISSN - 1638-1718
DOI - 10.4000/erea.2117
Subject(s) - art , humanities
Le 24 septembre 2001 sort le numéro du magazine littéraire américain « The New Yorker », le premier après les attentats du World Trade Center, dont la couverture entièrement noire signée Art Spiegelman devient immédiatement iconique de cet impensable désastre. Trois ans plus tard, Spiegelman édite In the Shadow of No Towers, son roman graphique du 11-Septembre, et reprend ce même dispositif de couverture noire. Mais si la puissance du noir se donne directement et frontalement, pour autant la lumière n'est pas partout égale. En surimpression apparaît le contour brillant de deux colonnes noires érigées contre le mat du fond; ces deux formes géométriques, par leur soudaine omniprésence, détruisent l'uniformité monopigmentaire et révèlent au lecteur une dialectique de l'absence et de la présence, du visible et de l'invisible. La répétition de ces effets d'impression rappelle inévitablement les théories du noir et de la lumière du peintre français contemporain Pierre Soulages et son concept d'outrenoir: « Outrenoir pour dire: au-delà du noir une lumière reflétée, transmutée par le noir. Outrenoir: noir qui cessant de l'être devient émetteur de clarté, de lumière secrète. Outrenoir: un autre champ mental que celui du simple noir. » En effet, l'impression de persistance rétinienne ainsi créée offre une forme de révélation qui sous-tend toute la bande dessinée.L'ouvrage s'écrit dans et depuis l'effondrement des tours jumelles, dans l'ombre de cet effondrement, à travers le regard halluciné et paranoïaque de son auteur. Mais le paradoxe de cette œuvre autobiographique, presque exclusivement centrée sur Spiegelman lui-même, d'une manière parfois outrancière et narcissique, est sûrement qu'elle dépasse le simple témoignage, qu'elle déborde sur une biographie de l'expérience commune en une « outrebiographie », par la juxtaposition de styles graphiques et narratifs, par les collages, les copiages, par l'intertextualité,  par toute l'hybridité créatrice de cet album. Cette « outrebiographie », au carrefour de la littérature, de l'Histoire et de la bande dessinée, décentre la narration de soi vers la représentation des victimes, instrumentalisées ailleurs, et donne à l'ensemble une lecture politique de l'événement. Chez Spiegelman, le traumatisme du 11-Septembre est finalement aussi une façon de prise de conscience collective, et l'outrenoir de sa couverture n'apparaît alors plus simplement comme révélation mais aussi sûrement comme résistance. After a study comparing Art Spiegelman’s cover album with the “outrenoir” concept theorized by the French painter Pierre Soulages, this article will aim at redefining Spiegelman’s autobiography as “outrebiography,” understood here as going beyond the bounds of a mere testimony of the self towards the biography of a shared experience. This narrative figure, at the junction of self-centered discourse and political lampoon, gives the album a dissident overtone and will thus be analyzed as a counter-narrative. The “beyond black” cover of that post-9/11 narration will eventually appear not only as revelation but as a way to resist

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