
Masculinité et libertinage dans la figure et les écrits de Christine de Suède
Author(s) -
Jean-Pierre Cavaillé
Publication year - 2010
Publication title -
les dossiers du grihl
Language(s) - French
Resource type - Journals
ISSN - 1958-9247
DOI - 10.4000/dossiersgrihl.3965
Subject(s) - humanities , art , philosophy
Christine de Suède représente un case study exceptionnel pour aborder la question de la représentation de la masculinité associée à l’idée de force d’esprit en matière de religion. En effet la reine est invariablement présentée par les contemporains comme arborant de multiples signes de virilité, dans le port, le maintien, le vêtement, les occupations et le discours, jetant ainsi le plus grand trouble sur son identité de genre, plus encore que de sexe (même si la question de ses préférences sexuelles ne cesse elle-même d’être agitée). Or ce trouble ou cette indétermination du genre, dû à sa masculinité outrée, est mise en rapport, surtout dans les années de l’abdication, à son « libertinage » d’esprit, voire à son incrédulité pure et simple, nourrie de tous les motifs irréligieux circulant dans l’Europe du xviie siècle. Face à cette double image, colportée par les libelles, les mémoires, les correspondances, Christine n’est pas restée passive : elle s’est elle-même prononcée sur sa féminité et sa masculinité, en relation avec son statut de reine et sa décision d’abdication, de même que, alors qu’elle se trouvait engagée à Rome dans une nouvelle forme d’hétérodoxie – le quiétisme –, elle revint sans remord sur ses longues années d’incrédulité. Christina of Sweden is an exceptional case to study the topic of the representation of masculinity associated with the idea of strength of mind in religious matters. In fact, the queen is invariably showed by contemporaries as displaying multiple signs of masculinity in attitudes, clothing, activities and speech, thereby generating the greatest confusion about gender identity, even more than sexual identity (even if the question of her sexual inclinations has continually been raised). But this trouble or uncertainty about gender, due to her exaggerated masculinity, is related, especially in the years of her abdication, to her “libertinage” of mind, or even pure and simple her unbelief, fed by all the irreligious topics circulating in Europe in the seventeenth century. Faced with this double representation, carried by contemporary pamphlets, memoirs and correspondence, Christine did not remain passive: she wrote a lot on her femininity and her masculinity, in relation to her queen’s status and her decision to abdicate, when she was in Rome engaged in a new form of heterodoxy – quietism –, she came back without remorse on his long years of unbelief