
La relecture du romancero par les vihuelistes de la Renaissance
Author(s) -
P. Martel
Publication year - 1999
Publication title -
babel
Language(s) - French
Resource type - Journals
ISSN - 1277-7897
DOI - 10.4000/babel.2406
Subject(s) - art , humanities
International audienceLes romances espagnols de la Reconquête relataient sur le mode épique des faits passés sur une mélodie récurrente qui servait surtout d’outil mnémotechnique pour réciter de longues narrations. Lorsque Diego Pisador reprend un romance, il n’en prend que quelques vers : du coup, le rapport entre les mots et les notes se fait plus étroit. D’un poème épique, il élabore une amplification lyrique, une véritable composition musicale, opère un véritable changement d’esthétique : le passage de la longue narration sur un thème musical bref et récurrent qui caractérisait le romance médiéval de la Reconquista, à une forme musico-littéraire plus brève mais plus élaborée, propre à introduire la vibration lyrique dans la matière épique. Familier de la Cour, il entend ainsi servir les desseins politiques de Philippe Il à qui il dédie son œuvre : le compositeur vihueliste qu’était Pisador en effet participe à l’effort de l’intégration du Maure poursuivi par la politique de la Maison d’Autriche. Mais les noces n’eurent pas lieu et les Maures furent au contraire expulsés en 1609. L’analyse de cette chanson nous donne l’occasion de découvrir les moyens employés par le musicien pour se livrer à une véritable amplification lyrique d’un simple récit par la musique. La chanson savante n’est pas non plus une composition dans laquelle la mélodie traduirait simplement en musique le texte poétique de façon tout à fait parallèle : la musique n’est pas qu’une répétition, sous une autre forme, de la parole, ou bien l’image sonore d’un texte. Musique et poésie constituent deux moyens autonomes d’expression mais qui, dans une chanson, concourent à un même but : ces deux moyens d’expression tantôt se rejoignant, tantôt s’émancipant l’un de l’autre, de sorte que le propre de la chanson réside justement dans cette tension constante entre ses deux composantes. La mise en musique d’un texte poétique implique donc de la part du compositeur une certaine lecture interprétative du texte puisqu’il privilégie certains éléments de celui-ci pour les traduire, ou pour les amplifier parfois, par la mélodie qu’il leur attribuera