L’écriture de soi dans l’œuvre de Jean Starobinski. Une dialectique du subjectif et de l’objectif, du singulier et de l’universel

Une lecture attentive de la rhétorique critico-philosophique de Starobinski révèle qu’il existe une subjectivité englobant une contemplation réflexive tant au niveau de son discours interprétatif que de son argumentation. Bien qu’il ne s’agisse jamais d’une écriture dans laquelle le critique se dépeint lui-même, on y retrouve les mêmes démarches, les prédilections et les convictions de Starobinski lui-même. Autrement dit, l’écriture de soi est présente dans ses réflexions tant sur les penseurs du XVIIIe que sur les écrivains du XXe siècle, voire dans une étude de l’art et la littérature du XIXe siècle ; comme si Starobinski liait inextricablement les sujets traités à son propre moi. L’écriture lui servirait donc non seulement de tremplin à la réflexion personnelle et à des commentaires critiques, mais aussi à l’édification de sa personnalité. Cependant la raison profonde qui le porte à fuir l’introspection, à exclure toute critique d’identification, fait elle aussi l’objet d’une interrogation. Ma démarche consiste à déceler les traces d’autobiographie que Starobinski a laissées dans son parcours herméneutique. M’inspirant de l’approche critique de Michel Beaujour, je me propose de cerner les analogies et les correspondances entre la pratique esthétique de Starobinski et son vécu contemporain, à travers l’articulation de son discours interprétatif et son orientation éthique. Une attention particulière est accordée aux procédés rhétoriques, fournissant un modèle structural révélateur de son mode de pensée. Mon objectif est de voir comment ses textes, tout en relevant des questions philosophiques ou esthétiques, laissent affleurer des identifications sous forme d’énoncés qui peuvent être appliquées à la personnalité et à la pensée starobinskiennes. A careful reading of Starobinski’s critical and philosophical rhetoric uncovers a subjectivity subdued with reflexive contemplation, that exists both in his interpretive and analytical discourses. Although it is never a case where the critic portrays his own personality, the reader can trace down identical thought-habits, predilections and convictions of Starobinski himself. In other words, self-portrayal is present in Starobinski’s reflections on 18th century philosophers, on 20th century writers and on studies of 19th century art and literature. It is as if Starobinski connects all the subjects he researches to his own self. Writing serves him not merely as a springboard for his own thought and critical commentaries, but also for edifying his own personality. Thus, another subject of my study is the explanation of the reason that motivates Starobinski to avoid introspection and to banish all critique of his identity. My purpose is to depict autobiographical markers left behind by Starobinski in his hermeneutic journey. Inspired by the critical approach of Michel Beaujour, I try to detect equivalences and correlations between Starobinski’s ethical writing and his contemporary life through the linkage between his interpretive discourse and his ethical orientation. Special attention is devoted to Starobinski’s rhetorical process, which conveys a structural model of his exercise of the intellect. My goal is to demonstrate how Starobinski’s texts, through dealing with philosophical and aesthetic questions, reveal distinguishable markers of a specific authorial identification, which can be applied both to the writer’s personality and thinking