
L’île de Bilāq dans le Kitāb Nuzhat al-Muštāq d’al-Idrīsī (XIIe siècle). Généalogie d’une confusion
Author(s) -
Robin Seignobos
Publication year - 2011
Publication title -
afriques
Language(s) - English
Resource type - Journals
ISSN - 2108-6796
DOI - 10.4000/afriques.807
Subject(s) - art , humanities , philosophy
La description de l’île de Bilāq chez le géographe al-Idrīsī, au xiie siècle, tranche nettement avec les récits de ses prédécesseurs et ne correspond que très partiellement à l’îlot de Philae auquel Bilāq est d’ordinaire identifiée. Alors qu’elle est normalement située légèrement en amont de la première cataracte, Bilāq devient chez Idrīsī une immense île localisée bien en amont de la Vallée, en plein pays nubien, au confluent du Nil et d’un fleuve provenant d’Éthiopie. Les commentateurs modernes s’accordent à reconnaître qu’il y a là un amalgame probable avec la région de l’interfluve Nil-Atbara, sans parvenir pour autant à en comprendre les raisons. Cet article s’efforce précisément d’examiner les sources et les méthodes mises en œuvre par le géographe de Sicile afin d’éclairer la généalogie de cette confusion. Celle-ci repose en dernier lieu sur la difficulté à adapter des informations hétérogènes, dont une partie au moins est issue d’entretiens oraux avec des voyageurs, au cadre ptoléméen dans lequel Idrīsī entend les fondre. L’île de Bilaq se superpose alors au souvenir rémanent de l’île de Méroé, figure majeure de la géographie ptoléméenne du Haut Nil. The 12th-century description of Bilāq Island by al-Idrisi contrasts with his predecessors’ accounts and only partly fits the small island of Philae with which Bilāq was usually identified. Bilāq, normally placed a little above the first cataract, became, for al-Idrīsī, a big island located much farther upstream in the land of Nubia, at a place where a river coming from Ethiopia flowed into the Nile. Modern commentators agree that this description probably came out of a confusion with the Nile-Atbara area but are unable to explain the reasons for this. This article inquires into al-Idrisi’s description, into both the sources and methods used by this geographer. It intends to shed light on the origins of this confusion, which ultimately has to do with the difficulty that al-Idrīsī had adapting heterogeneous sources of information (including interviews with travelers) to his Ptolemaic conception. The island of Bilāq thus came to be mixed up with lingering recollections of the island of Meroe, a major figure in the Ptolemaic geography of the upper Nile Valley