Espaces centrés et pouvoirs décentrés : l’exemple des fédérations villageoises dogon au XIXe siècle

Au xixe siècle, le Sud du pays dogon se caractérisait par un paysage politique singulier avec une mosaïque de petites fédérations villageoises regroupant chacune, sur un même territoire, une douzaine de localités non apparentées. Selon les indices rassemblés, la création de ces formations originales remonterait à la seconde moitié du xviiie siècle et résulterait d’un nouveau rapport à l’espace imposé à la fois par la multiplication des guerres ou des razzias et par un peuplement local de plus en plus dense et diversifié. Face à la pression militaire des États voisins, l’objectif des groupes résidents n’est plus de s’approprier un territoire, mais de le défendre en construisant son unité au centre, à l’endroit présumé de sa fondation. Carrefour politico-religieux, ce centre prenait la forme d’une place publique servant de lieu de rassemblement unitaire, mais aussi d’axe de distribution égalitaire des pouvoirs entre tous les villages installés sur le même territoire. In the 19th century, the southern part of the land of the Dogon stood out owing to its unusual political landscape, a mosaic of small village federations each of which grouped, in a territorial unit, a dozen or so localities unrelated by kinship. These original federations emerged out of a new relation to space during the second half of the 18th century as a result of increasing warfare and raiding in the context of a denser, more diversified local population. Given mounting military pressure from neighboring states, resident groups no longer sought to appropriate a territory but to defend it by establishing its unity in the center, at the presumed place of foundation. As a political and religious crossroads, this center was not only a public meeting place expressing unity but also the axis of an egalitarian distribution of power between all villages located in the same territory