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Dessins de mineurs migrants isolés en situation d’évaluation: une échappée iconique en terre soupçonneuse
Author(s) -
Noémie Paté
Publication year - 2020
Publication title -
revista internacional de estudios migratorios
Language(s) - French
Resource type - Journals
ISSN - 2173-1950
DOI - 10.25115/riem.v9i1.3813
Subject(s) - humanities , political science , ethnography , art , sociology , anthropology
Cet article s’inscrit dans une étude doctorale plus large portant sur les mineurs migrants isolés en situation d’évaluation de leur minorité et de leur isolement. Ce travail sociologique apporte des éléments de compréhension concernant le dispositif et les acteurs associatifs, juridiques et administratifs en jeu, mais également les phénomènes d’adaptation et de négociation de ces jeunes migrants en contexte de transit, de jugement et de sanction (qui peut durer de quelques jours à quelques mois). Le principal objectif de cet article est d’interroger la perception qu’ont les mineurs migrants de cette situation en s’appuyant sur un objet d’analyse particulier: le dessin d’enfant. Cette étude s’appuie sur les outils d’analyse de la sociologie visuelle.Méthode: Il s’agit d’une recherche ethnographique, organisée en différentes étapes, entre 2013 et 2016. La première étape –qui dura onze mois– a été réalisée au sein d’un pôle d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers géré par une association française, en région parisienne. Les instruments de recherche adoptés ont été le recueil de récits administratifs, des entretiens ethnographiques semi-directifs et l’observation participante.Résultats: L’étude a permis la récolte d’un corpus de 57 dessins. La grande majorité des dessinateurs sont des jeunes garçons, âgés de 7 à 17 ans. 80% des jeunes migrants mis à l’abri et évalués par le pôle sont originaires d’Afrique de l’Ouest. Ces dessins sont réalisés dans l’attente de l’évaluation et/ou de la décision du Parquet ou du Juge des enfants. La réalisation graphique est laissée entièrement libre, sans thème imposé. On y retrouve les thèmes classiques des dessins d’enfants, mais également des thèmes davantage en lien avec la migration.Discussion ou Conclusion: Les psychologues, pédopsychiatres et historiens ont déjà adopté le dessin d’enfant comme objet d’étude. Mais qu’en est-il des sociologues? En quoi le dessin de l’enfant migrant peut-il nous permettre de connaître l’enfant en partant de lui-même, et de sa propre façon de se représenter –et d’exprimer– son expérience migratoire et son arrivée dans une nouvelle société? Au cœur de cet énième moment de transit qu’est la période d’évaluation, ces jeunes migrants doivent apporter des éléments de «preuve» de leur minorité et de leur isolement, ce qui se traduit par une injonction institutionnelle à se dire, à se rendre visible. Dans ce contexte, ces dessins, nouvelle ressource pour l’enfant comme pour le chercheur, nous parlent de l’enfance et des effets de la migration sur le monde social qui entoure l’enfant. Ils deviennent d’une part une source de données sur l’enfant dessinateur et sur les conséquences qu’a la migration dans la présentation de son soi. Mais ils se font également «objet – porte-voix» de ces enfants, permettant le passage du silence à la mise en mots dans un contexte où le soupçon écrase.