Les effets de variables proximales et distales sur l'internalisation, l'identification et l'échange: une modélisation du processus d'engagement organisationnel

Résumé La présente recherche propose et vérifie la première modélisation, par analyse d'équations structurales, de différents antécédents distaux et proximaux sur les trois bases de l'engagement organisationnel (EO) mesurées à l'aide d'un instrument de mesure élaboré par Becker (1992): l'internalisation, l'identification et l'échange. Pour y parvenir, une démarche empirique a été effectuée dans 22 établissements de santé québécois en respectant une méthode d'échantillonnage stratifiée proportionnelle (n = 3037). Les résultats indiquent que le modèle le plus adéquat parmi ceux testés confirme la structure proposée où l'influence des deux variables distales (Implication au travail et Lieu de contrǒle) sur les trois composantes de l'EO s'exerce en totalité par l'entremise des variables proximales (Perception de son rǒle au travail, Perception du leadership de son supérieur immédiat, Implication à l'emploi et Perception des caractéristiques de l'organisation). Ces deux dernières variables proximales se sont avérées celles prédisant la plus forte proportion de variance des trois bases de l'EO, particulièrement en ce qui concerne l'internalisation et l'identification. En plus de ces patrons de relations assez similaires, ces deux bases sont fortement intercorrélées, ce qui compromet empiriquement leur distinction. Quant à la troisième base de l'EO, l'échange, elle se distingue nettement des deux autres aussi bien en termes d'intercorrélations qu'en termes de relations avec les antécédents du modèle. Finalement, l'effet modérateur de la catégorie occupationnelle s'est avéré non significatif puisque le modèle retenu s'applique aussi bien pour les personnels clinique et infirmier que pour le personnel non clinique. L'ensemble de ces résultats fait l'objet d'une discussion relative à certaines avenues de recherche prometteuses et aux implications de gestion visant à augmenter le degré d'EO dans les organisations contemporaines soucieuses de mettre à contribution le potentiel de leurs ressources humaines. Abstract The following research puts forward and confirms the first model, tested through structural equation modeling, of distal and proximal antecedents of the three organisational commitment (OC) bases that were assessed with a scale developed by Becker (1992): internalization, identification, and compliance. An empirical study was con‐ducted throughout 22 health establishments within the province of Québec using a proportional stratified sampling method. The results, obtained from a usable sample of 3037 subjects from all occupational categories, allowed for the identification of the most appropriate model among those tested. This model suggests a structure where the influence of the two distal variables (Work involvement and Locus of control) on the three dimensions of OC is totally exerted by the intervention of proximal variables (Perceived rǒle states, Perceived supervisor's leadership, Job involvement, Perceived organizational characteristics). These two latter proximal variables predicted the most variance of the three OC bases, especially with respect to internalization and identification. In addition to those similar patterns of relationship, these two bases highly correlate with one another thereby compromising their empirical distinction. Regarding the third OC base (compliance), it can be distinguished from the other two in terms of intercor‐relaǐions as well as in terms of its relationship with the model's antecedents. Finally, the moderating effect of occupational category was non significant since the model can be applied as well to clinical and nursing personnel as to non clinical personnel. The evidence is discussed with regards to promising future research and implications for management aiming at increasing the OC's level within contemporary organization concerned with the contribution of their human resources' potential. Dans sa synthèse, Meyer (1997) souligne la nécessité d'améliorer notre compréhension du processus d'engagement organisationnel (EO). II met 1'accent sur le besoin d'étudier ce processus en reconnaissant que l'EO peut prendre différentes formes et que chacune peut se développer de différentes manières. Depuis la synthèse de Griffin et Bateman (1986), la recherche consacrée à l'EO a permis le développement de nouvelles conceptualisations et de nouvelles mesures de l'EO. Les chercheurs ont également amélioré leurs techniques d'analyse des données relatives au développement et aux conséquences de l'EO. Malgré ces progrès, il n'en reste pas moins que diverses méta‐analyses ont fait ressortir les limites des recherches consacrées à l'EO (Aven, Parker, & McEvoy, 1993; Cohen & Lowenberg, 1990; Mathieu & Zajac, 1990; Randall, 1990; Wallace, 1993). En ce qui concerne les antécédents de l'EO, ces méta‐analyses suggèrent que l'engagement s'avère plus fortement relié aux caractéristiques de l'emploi et de l'environnement de travail, qu'aux caractéristiques personnelles. Cependant, ces méta‐analyses indiquent également que les résultats des recherches analysées doivent ětre interprétés avec cir‐conspection considérant leurs limites conceptuelles et méthodologiques. À cet égard, il ressort des problèmes de clarté et de consensus concernant la conceptualisation et la mesure de l'EO. On relève également la nature athéorique de la recherche abordant les antécédents de l'EO, incluant la faible considération des mécanismes de médiation. Les méta‐analyses font aussi ressortir les carences des méthodes d'analyse de données traditionnelles telles que la régression multiple. Finalement, les recherches consacrées aussi bien aux antécédents qu'aux conséquences de l'EO se préoccupent rarement des effets modérateurs de certaines variables. La présente étude vise à pallier certaines de ces limites. En effet, elle a pour objectif d'améliorer notre compréhension du processus d'EO en ayant recours à une modélisation basée sur l'analyse d'équations structurales plutotǒue sur l'analyse de cheminement (Mathieu, 1988, 1991; Mathieu & Hamel, 1989) ou sur les analyses correlationnelles classiques (Cohen, 1992; Mathieu & Zajac, 1990; Randall, 1990). Dans la foulée de quelques rares études antérieures, nous examinerons l'ordonnancement causal de certaines variables pouvant avoir une influence sur le développement de l'EO (DeCotiis & Summers, 1987; Mathieu, 1988, 1991; Mathieu & Hamel, 1989). Comme le proposent ces auteurs, l'or‐donnnancement des variables s'effectuera sur la base de la théorie de Lewin (1943, 1951) qui suggère que les réactions des employés à leur environnement de travail, en Poccurrence l'EO, devraient ětre principalement fonction de leur perceptions d'éléments proximaux comme les expériences au travail. Selon cette théorie, les caractéristiques personnelles sont considérées comme des prédicteurs distaux susceptibles d'exercer une influence indirecte sur l'EO, à travers les variables proximales. La présente recherche vise également à apporter une contribution conceptuelle à la compréhension de l'EO en ayant recours à la mesure multidimensionnelle proposée par Becker (1992) plutǒt qu'à celle proposée par Meyer et Allen (1991). L'étude permettra done de vérifier si les antécédents proximaux et distaux auront, conformément aux postulats théoriques, une influence différente sur les trois bases de l'EO proposées par O'Reilly et ses collègues (Caldwell, Chatman, & O'Reilly, 1990; O'Reilly & Chatman, 1986).