Mort et fécondité‐ “Fábula de Polifemo y Galatea” de Góngora

Le point de départ est la fin abrupte de l'oeuvre, et l'explication qui en ont faite Dámaso Alonso, Robert Jammes et R. O. Jones. Notre tentative d'expliquer l'ambiguïté de la fin est fondée sur l'antinomie mort‐fécondité, qui forme la tension fondamentale de l'oeuvre, c'est‐à‐dire entre le thème de la mort (l'assassinat d'Acis) et le thème de la fécondité (ajouté par Góngora). Ces thèmes forment les deux visages de la puissance qui président aux destinées de cette Sicile créée par Góngora: l'Amour, divinitéà double visage. D'un côté l'Amour anime la vie biologique, y maintient tout ce qui est beauté et abondance. C'est aussi cette divinité qui a civilisé et humanisé Polyphème. Mais c'est aussi l'Amour qui pousse Polyphème au meurtre d'Acis, et ainsi prive Acis et Galathée de leur bonheur presque au même moment que l'Amour même les a poussés l'un dans les bras de l'autre. C'est la tension entre la mort et la fécondité qui permet à Góngora de développer un de ses thèmes favoris: le bonheur menacé. Mais, une fois Acis mort, concentrer l'interêt soit sur la douleur de Galathée (le thème de la mort), soit sur la transformation d'Acis (le thème de la fécondité), aurait deséquilibré l'oeuvre. Résultat: une fin ambiguë.