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Le motif de la peste chez Albert Camus (La Peste 1947, Etat de siège 1948)
Author(s) -
Jolivet Ph.
Publication year - 1958
Publication title -
orbis litterarum
Language(s) - French
Resource type - Journals
SCImago Journal Rank - 0.109
H-Index - 8
eISSN - 1600-0730
pISSN - 0105-7510
DOI - 10.1111/j.1600-0730.1958.tb00311.x
Subject(s) - art , humanities , philosophy
Dans le roman intitulé La Peste , à la page 52, l'auteur énumère les images les plus terribles du fléau, Athènes empestée par les oiseaux, les villes chinoises remplies d'agonisants silencieux, les bagnards de Marseille empilant dans les trous les corps dégoulinants …, Jaffa et ses hideux mendiants, les lits humides et pourris collés à la terre battue de l'hôpital de Constantinople, les malades tirés avec des crochets, le carnaval des médecins masqués pendant la Peste noire, les accouplements des vivants dans les cimetières de Milan, les charrettes de morts dans Londres épouvanté, et les nuits et les jours remplis partout et toujours du cri interminable des hommes. Il est certain que Camus connaissait ces récits et qu'il s'en est à plusieurs reprises inspiré. Il cite le chroniqueur Mathieu Marais qui vécut la peste de Marseille (p. 115). Il mentionne le grand livre de Daniel de Foe, Le Journal de l'Année de la peste (Avertissement qui précède Etat de siège ) et par deux fois dans Etat de siège (p. 18 et 59), une voix crie: Oh! le grand et terrible Dieu! , qui reprend exactement: O the great and dreadful God , qu'on trouve à la page 18 du livre de Daniel de Foe. Il sait qu'à Canton, il y a soixante‐dix ans, quarante mille rats étaient morts de la peste avant que le fléau s'intéressät aux habitants, et c'est ce souvenir qui lui a inspiré les premiers chapitres du roman, l'invasion de la ville par les rats, qu'on trouve partout crevés, une goutte de sang au museau. D'autres rapprochements possibles sont simplement dûs à la ressemblance du thème et des situations, et malgré cette ressemblance, ils évoquent une tout autre aventure que celle de la peste. Quand il est question de la fermeture de la ville et de la garde des portes, des gardiens qui laissent passer ceux qui peuvent payer, on peut se rappeler que les maisons contaminées de Londres étaient aussi fermées et que les gardiens se laissaient fléchir pour de l'argent, mais on s'aperçoit vite qu'il s'agit en réalité de la ligne de démarcation, de l'isolement dans lequel la France fut tenue pendant l'occupation, et des passeurs qui aidaient à franchir les frontières. La ville d'Oran, affligée par la peste, représente la France soumise à l'occupation ennemie, et l'état de siège imposéà la ville de Cadix est, non plus un récit sobre et réaliste comme La Peste , mais une reproduction caricaturale et sinistre de l'invasion et de l'oppression hitlérienne en France.

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