« Une fois ne compte pas … » Le paradoxe de la répétition dans l'oeuvre de Milan Kundera

Cette étude est une lecture du Livre du rire et de l'oubli de Milan Kundera. Ce roman très original est compris comme une exploration de deux modalités antinomiques de la répétition: la répétition platonicienne, à travers laquelle la stabilité et l'identité se trouvent renforcées, et la répétition nietzschéenne, qui révèle l'instabilité de l'identité. L'opposition entre ces deux formes de répétition investit de sa dialectique aussi bien la structure formelle que le contenu thématique du roman. À travers la forme en variation, chaque situation du roman se trouve ainsi dans une confrontation complexe et contradictoire avec des situations plus ou moins identiques, leur interdisant de s'imposer comme des énoncés univoques. Cette forme, qui fait ressortir les rapports ironiques à l'intérieur du roman, épouse les interrogations existentielles de l'oeuvre. En effet celle‐ci met en scène des personnages marqués par un aspiration profonde vers les deux pôles de la répétition: le désir d'idylle dans un monde débarrassé des contingences de l'histoire, et le désir de changement. Or les différents récits du livre montrent que les deux formes de la répétition menacent également l'être humain. Par des voies opposées, elles conduisent aux mêmes résultats, l'oubli (par accélération ou par stagnation) et le rire (par nihilisme ou par acceptation béate) et nous font inexorablement glisser de l'être vers le néant.