
Le roman face à la crise de la mémoire
Author(s) -
Isabelle Daunais
Publication year - 2020
Publication title -
tangence
Language(s) - French
Resource type - Journals
eISSN - 1710-0305
pISSN - 1189-4563
DOI - 10.7202/1069146ar
Subject(s) - humanities , philosophy , art
Jusqu’au début du xix e siècle, il n’était pas impossible pour un individu de tenir dans son seul esprit, et donc dans sa mémoire, l’ensemble raisonnable des connaissances nécessaires à la compréhension du monde où il vivait — possibilité dont Milan Kundera a fait de Goethe la figure emblématique. La multiplication des savoirs et des techniques, à partir du milieu xix e siècle, a mis fin à cette possibilité et donné naissance à ce que le critique Richard Terdiman a appelé la « crise de la mémoire », c’est-à-dire l’expérience déstabilisante d’une mémoire ressentie comme partielle et tronquée. Entre cette crise et le développement du roman au xix e siècle, il est possible d’établir un parallèle : le souvenir, par définition imparfait, que l’on a de la lecture d’un roman recoupe la mémoire également imparfaite que l’on commence alors à avoir du savoir humain. À partir de cette hypothèse, trois grands moments de cette convergence — le moment balzacien (moment de résistance à l’oubli), le tournant du xx e siècle (moment d’acceptation de l’oubli) et la période contemporaine (moment de mise à distance de la mémoire) — sont ici envisagés pour voir comment la lecture des romans accompagne notre rapport à la mémoire.