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Marcel Jollivet (NSS) – En dehors des postes de responsabilité divers que vous avez occupés, vous faites une carrière de sociologue au CNRS. Or, à ma connaissance, jusqu’à maintenant, tous les présidents de l’Inra venaient soit de l’agronomie, soit de la biologie, ou même de la physique. Votre arrivée a donc représenté une importante innovation, voire une petite révolution ? Bertrand Hervieu – En effet. Pour bien comprendre la situation actuelle sur ce plan, il faut faire un bref retour en arrière. À l’origine, l’Inra avait un statut d’établissement public à caractère administratif. Il avait alors un directeur et un conseil d’administration avec un président. Et ce dernier pouvait être un représentant de la profession agricole. Ce fut le cas notamment de Louis Perrin, qui était aussi président des chambres d’Agriculture. Il était de tradition que le directeur, quant à lui, soit un « Agro ». Lorsque, dans le cadre de la loi Chevènement (1984), l’Inra fut transformé en établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST), il fut décidé, à la demande de Jacques Poly qui y voyait une nécessité pour que la transition s’opère dans de bonnes conditions, qu’il n’aurait qu’une seule « tête ». C’est ainsi que Jacques Poly lui-même en est devenu le président directeur général ; il s’agissait pour lui d’intégrer Président de l’Inra depuis 1999, B. Hervieu est sociologue et politologue. Directeur de recherche au CNRS et professeur à l’ENGREF, il a également occupé à plusieurs reprises des responsabilités dans la haute administration du ministère de l’agriculture. Il a également eu des responsabilités politiques. Il se trouve que sa présence à l’Inra intervient à un moment où les préoccupations concernant l’environnement et l’alimentation conduisent à s’interroger sur le modèle d’agriculture en place et où, en outre, les applications de la biologie à la recherche « agronomique » sont l’objet de controverses scientifiques et sociales et soulèvent des questions éthiques. D’où l’intérêt de s’interroger sur le sens de sa nomination. Il est aussi intéressant de voir si et comment les analyses du président et du sociologue se nourrissent l’une l’autre et quelle analyse de la situation actuelle de la recherche agronomique résulte de ce double regard. On retrouvera abordées dans ses propos bon nombre des questions familières aux lecteurs de NSS. La rédaction. Natures Sciences Sociétés 11 (2003) 179–189

natures sciences sociétés/natures sciences sociétés

Un sociologue à la présidence de l'Inra : hasard et nécessité Entretien avec Bertrand Hervieu Propos recueillis par Marcel JollivetA sociologist at the head of Inra : coincidence and necessity Interview with Bertrand Hervieu by Marcel Jollivet